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Les Importations et la Relocalisation en France : Enjeux et Défis pour l’Industrie Française

La relocalisation en France est devenue un enjeu stratégique majeur pour l'industrie française, confrontée à des défis économiques et environnementaux de plus en plus pressants. En effet, alors que la dépendance vis-à-vis des importations ne cesse de croître, engendrant un déficit commercial record, la nécessité de réduire l'empreinte carbone du pays pousse à reconsidérer les modes de production. Ce processus de relocalisation, loin d'être une simple démarche économique, s'inscrit dans une dynamique globale visant à redonner à la France une autonomie industrielle tout en répondant aux exigences climatiques. C'est dans ce contexte que l'examen des émissions domestiques versus l'empreinte carbone, ainsi que l'analyse des défis énergétiques et des potentiels de relocalisation, offrent une perspective éclairée sur les opportunités et les contraintes de cette stratégie pour l'avenir de l'industrie française.

 

Émissions Domestiques vs. Empreinte Carbone : Comprendre les Différences

L'une des distinctions fondamentales que le rapport du Shift Project met en lumière, sans toutefois l'approfondir, est celle entre les émissions domestiques et l'empreinte carbone totale. Alors que les émissions domestiques se concentrent sur les gaz à effet de serre émis à l'intérieur du pays, l'empreinte carbone prend en compte l’ensemble des émissions associées aux biens et services consommés en France, y compris ceux qui sont produits à l’étranger. Cette distinction est cruciale, surtout dans le contexte des déficits commerciaux que la France enregistre depuis plus de 30 ans. En 2021, ce déficit a atteint un niveau record de 90 milliards d'euros, dont 45 milliards liés à l'énergie et 45 milliards aux biens manufacturés.

 

Cette situation pose un double problème : d'abord, sur le plan économique, elle reflète une dépendance croissante de la France vis-à-vis des importations, notamment pour des produits manufacturés et énergétiques. Ensuite, sur le plan environnemental, elle signifie que la France "exporte" en quelque sorte ses émissions de carbone en important des produits fabriqués dans des conditions souvent moins décarbonées qu'en France. Par exemple, la production industrielle française, grâce à une électricité parmi les plus décarbonées au monde, est bien moins polluante que celle de nombreux autres pays, y compris l'Allemagne.

 

Les Défis Énergétiques de la Relocalisation en France : Un Exercice d’Arbitrage

Relocaliser la production industrielle en France est une idée séduisante, tant sur le plan économique qu'environnemental. Prenons l'exemple des engrais azotés : actuellement, la France importe environ deux tiers de ses besoins en engrais azotés. Relocaliser leur production en utilisant de l'hydrogène vert pourrait non seulement décarboner ce secteur, mais aussi rendre la France autosuffisante, voire exportatrice. Toutefois, un tel projet se heurte à des limites énergétiques strictes.

 

Le rapport du Shift Project souligne qu’il serait nécessaire de disposer de 15 térawattheures supplémentaires d’électricité pour relocaliser entièrement la production d’engrais azotés en France. Cette quantité d'énergie est significative, surtout dans un contexte où les ressources électriques doivent être allouées à d'autres secteurs essentiels, comme la production d’acier décarboné. En effet, le groupe de travail sur l'industrie a demandé 40 térawattheures pour ces projets, mais n’a reçu que des "miettes" en raison des contraintes énergétiques. Ce manque d'énergie disponible impose des choix difficiles : réduire la production d'acier pour augmenter celle des engrais, ou inversement. Finalement, le rapport suggère de privilégier la réduction de la production d'engrais, en cohérence avec les transformations demandées par le secteur agricole.

 

Relocalisation de l’Industrie Manufacturière : Un Potentiel Sous-Exploité

Contrairement aux industries lourdes, l'industrie manufacturière en France, qui comprend des secteurs aussi variés que la fabrication de moteurs, de jouets, de fenêtres ou d'équipements électroniques, pourrait être relocalisée plus facilement et à moindre coût énergétique. Alors que la production dans ces secteurs consomme moins d'énergie (quelques mégawattheures par usine contre des térawattheures pour les industries lourdes), la relocalisation semble plus réaliste.

 

Cette relocalisation serait d'autant plus pertinente dans un contexte où les coûts de fret ont triplé ou quadruplé, et où les délais d'approvisionnement se sont allongés, notamment en raison de la guerre en Ukraine. De plus, la France bénéficie d'un atout majeur : son électricité, non seulement décarbonée, mais aussi potentiellement l'une des moins chères en Europe, pourrait rendre le pays compétitif pour attirer ces industries manufacturières.

 

Une Approche Systémique pour l’Industrie Manufacturière : Adapter les Flux de Matières

L'industrie manufacturière est au carrefour entre l'industrie lourde, qui produit les matières premières, et les usages finaux. Par conséquent, elle doit s'adapter aux transformations de ces deux extrémités. Par exemple, la réduction de la construction neuve et l'augmentation de l'utilisation de matériaux biosourcés dans le bâtiment vont directement influencer la demande en acier et en ciment. De même, un passage accru à la mobilité douce, comme le vélo, va réduire la demande en métaux lourds pour la fabrication de véhicules.

 

Au-delà de l'adaptation aux flux de matières, l'industrie manufacturière doit intégrer des pratiques de réemploi, de réparation, de reconditionnement et de recyclage pour minimiser l'usage de matières premières vierges. Ces pratiques, qualifiées de "seconde vie", sont essentielles pour réduire l'empreinte carbone de cette industrie.

 

Le Défi de la Transition : Tout Faire en Même Temps

La transition vers une industrie décarbonée ne peut pas se permettre d’être progressive. Les contraintes climatiques et les limitations d’approvisionnement en énergies fossiles imposent un calendrier serré de 20 à 30 ans pour transformer en profondeur nos systèmes industriels. Chaque secteur doit avancer simultanément, aligné sur une vision commune.

 

C’est précisément ce que propose le Plan de Transformation de l’Économie Française (PTEF) du Shift Project : une feuille de route qui identifie les actions à mener immédiatement pour orienter le pays vers le bon cap. Cette vision systémique prend en compte les interactions entre secteurs, assurant que l’industrie manufacturière, en particulier, puisse s’adapter et évoluer en cohérence avec les autres branches industrielles.

 

La relocalisation de certaines activités manufacturières, si elle est bien planifiée, pourrait renforcer la résilience de l’économie française, tout en réduisant l’empreinte carbone des produits consommés localement. Cela nécessitera toutefois une coordination fine entre les différents acteurs économiques, pour s'assurer que chaque action contribue à la réalisation des objectifs climatiques fixés pour 2050.

 

Conclusion

La relocalisation en France apparaît comme une solution incontournable pour renforcer la résilience de l'économie nationale et contribuer de manière significative à la réduction de l'empreinte carbone. Toutefois, cette relocalisation ne pourra être effective qu'à travers une approche systémique et bien coordonnée, tenant compte des réalités énergétiques et des besoins industriels spécifiques. En mettant en œuvre des stratégies adaptées aux particularités de chaque secteur, tout en intégrant des pratiques de seconde vie et de réemploi, la France pourra non seulement réduire sa dépendance aux importations, mais aussi se positionner comme un leader dans la transition vers une industrie décarbonée. La réussite de cette transition repose sur la capacité des acteurs économiques et politiques à collaborer étroitement pour transformer les défis actuels en leviers d'opportunités durables.


 

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Sources :🔗 Liens - Pour aller plus loin :


A lire :


  • Le rapport :

    • Présentation : Le rapport "Décarboner l'industrie" publié par le Shift Project en janvier 2022 propose une feuille de route détaillée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs industriels français. Le document examine les principaux leviers de décarbonisation, tels que le progrès continu des processus industriels, les ruptures technologiques, et la sobriété. Il s'intéresse particulièrement à trois secteurs clés : la sidérurgie, la cimenterie et la chimie, en détaillant les défis et les opportunités spécifiques à chacun.

      Le rapport souligne l'importance d'une stratégie intégrée qui allie innovation technologique et réduction de la consommation pour atteindre les objectifs de décarbonisation d'ici 2050. Il sert de guide pour les décideurs politiques, les industriels, et les parties prenantes, en leur offrant des recommandations concrètes pour transformer l'industrie française en une industrie verte et durable.

    • Lien vers la synthèse du rapport : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2022/01/PTEF-Decarboner-lindustrie-SYNTHESE.pdf

    • Lien vers le rapport : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2022/01/PTEF-Decarboner-lindustrie_-Rapport-final.pdf


  • Le livre : Le plan de transformation de l'économie française de The Shift Project - ISBN 978-2-7381-5426-2


A regarder :


  • La vidéo de présentation du rapport :




 

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