top of page
FINETHIQUE
Conseil & stratégie en RSE

Stratégie de transition vers une industrie verte

Comment réinventer une industrie verte capable de redonner sa place à notre pays tout en répondant aux défis climatiques pressants ?


Cet article, inspiré par le podcast très complet Time To Shift produit par Les Shifters, se penche sur une problématique aussi paradoxale que cruciale : l'empreinte carbone du secteur de la santé. En France, ce secteur est responsable de 6 à 8 % des émissions de gaz à effet de serre, un chiffre qui illustre un paradoxe troublant. Comment un système conçu pour préserver la santé humaine peut-il être à ce point climaticide, tout en étant lui-même vulnérable aux futurs chocs d’approvisionnement en énergie ?

 

Dans un contexte mondial marqué par l'urgence climatique, l'industrie française se trouve à la croisée des chemins. Représentant aujourd'hui un peu plus de 10 % du PIB national et 13 % de l'emploi, l'industrie, autrefois moteur économique majeur, a vu son influence décliner en raison de la mondialisation et des délocalisations. Pourtant, son rôle reste crucial pour la transition vers une économie bas carbone. Face à l'importance des défis environnementaux, la question est désormais de savoir comment réinventer une industrie verte, bas carbone, capable de redonner à la France sa place sur la scène internationale tout en répondant aux impératifs climatiques. Cet article explore les leviers stratégiques essentiels pour transformer les secteurs industriels les plus émetteurs, en alliant progrès technologique, sobriété et innovation.

 

Pourquoi transitionner vers une industrie verte ?

Distinguer l'industrie lourde de l'industrie manufacturière

Il est essentiel de faire la distinction entre l'industrie lourde et l'industrie manufacturière. L'industrie lourde englobe des secteurs comme la chimie, la sidérurgie ou encore la production de ciment. En revanche, l'industrie manufacturière utilise les produits et substances générés par l'industrie lourde pour les transformer en biens de consommation courants tels que les smartphones, les vélos, la bière ou les stylos. Ainsi, ces deux branches industrielles forment les maillons d'une même chaîne qui commence avec la matière brute et aboutit au produit fini.


Du point de vue de la transition bas carbone, l'industrie représente un enjeu majeur pour la société française. Pourquoi ? Voici les principales raisons :


Un poids significatif dans les émissions de gaz à effet de serre :

Bien que l'industrie ne représente qu'une part modeste de l'économie nationale, elle est responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Malgré une réduction significative de ces émissions depuis les années 1990, ce progrès reste insuffisant face aux exigences climatiques actuelles. L'industrie est souvent le premier secteur pointé du doigt lorsqu'il s'agit de pollution, bien qu'elle ait réalisé des efforts considérables pour réduire son impact environnemental.


Un secteur clé pour l'économie :

L'industrie joue un rôle central en tant que moteur économique, transformant les matières premières en produits finis indispensables aux autres secteurs. Alors que le Shift Project envisage des transformations majeures dans divers domaines, l'industrie devra s'adapter pour produire les innovations nécessaires à cette transition, telles que le passage du thermique à l'électrique ou le développement de modes de transport plus durables. Cette adaptation ouvre la voie à une possible réindustrialisation de la France.


La résilience de notre société :

L'industrie française est actuellement dépendante de chaînes logistiques globales, souvent fragmentées et vulnérables à des perturbations imprévues, qu'il s'agisse d'un blocage du canal de Suez ou des fluctuations des prix du pétrole et du gaz. Par ailleurs, notre pays importe une grande partie des biens industriels qu'il consomme, ce qui accroît sa vulnérabilité. La récente pénurie de puces électroniques, qui a gravement affecté l'industrie automobile, illustre bien ces risques.


Avec ces trois raisons, l'importance stratégique de l'industrie devient évidente. La question suivante est donc : comment décarboner un secteur aussi crucial et émetteur, dont notre économie et notre quotidien dépendent ?


Les leviers de la transition

Pour ce faire, le plan proposé par le Shift Project repose sur trois leviers complémentaires :


Premier levier : le progrès continu.

Il s'agit de poursuivre l'optimisation des procédés existants, en améliorant l'efficacité énergétique, en changeant les combustibles utilisés, ou encore en développant le recyclage mécanique. Ces efforts pourraient permettre de couvrir environ 40 % des besoins en décarbonisation de l'industrie lourde.


Deuxième levier : les ruptures technologiques.

Ici, il est question de transformations radicales rendues possibles par de nouvelles technologies, telles que l'utilisation de l'hydrogène produit par électrolyse, les procédés de capture et de stockage du carbone, ou le recyclage chimique. Ces innovations pourraient également permettre de réduire les émissions de 40 % supplémentaires.


Troisième levier : la sobriété.

Cette approche consiste à réduire la consommation, que ce soit en matière d'emballages plastiques ou de nouvelles constructions. Contrairement aux deux autres leviers, la sobriété n'a pas de limite intrinsèque, et pourrait contribuer à hauteur de 20 % des réductions nécessaires. En cas de retard dans la mise en œuvre des autres leviers, la sobriété pourrait même devenir le principal moyen d'atteindre les objectifs de décarbonisation.


Ces trois leviers seront testés dans les principaux secteurs de l'industrie lourde en France, pour évaluer leur efficacité respective.


La Sidérurgie : Aux Origines de l'Acier

Bienvenue dans le monde de la sidérurgie, le secteur qui se trouve au cœur de la production d'acier. Ce domaine n'est pas étranger aux enjeux environnementaux, étant déjà soumis au régime des quotas d'émissions de CO2 européens, ce qui l'oblige à payer pour chaque tonne de CO2 émise. Cela n’est pas sans raison : les hauts-fourneaux, essentiels à la production d'acier, sont extrêmement énergivores, et le procédé même de fabrication, qui consiste à faire réagir du fer avec du coke et du charbon, génère une quantité significative de CO2.

 

Les Défis Réglementaires : Décarboner ou Délocaliser

L'industrie sidérurgique française fait face à une contrainte croissante : les quotas d'émissions européens gratuits diminuent chaque année, laissant aux entreprises deux choix pour anticiper ce défi réglementaire : décarboner ou délocaliser. Bien entendu, la décarbonation est préférable, car délocaliser ne fait que déplacer les émissions à l'étranger sans les réduire et menace les emplois locaux, un aspect essentiel du plan de transition porté par le Shift Project.

 

Levier 1 : Progrès Continu et Recyclage

Le premier levier pour réduire les émissions dans la sidérurgie repose sur l'amélioration continue des procédés existants, en particulier l'efficacité énergétique et le recyclage. Bien que l'amélioration de l'efficacité énergétique soit un objectif important, son potentiel reste limité, car la plupart des installations sont déjà fortement optimisées. Le recyclage, en revanche, offre un potentiel significatif. Aujourd'hui, environ 70 % de l'acier produit provient de la filière recyclage, ce qui est un atout, car l'acier recyclé s'inscrit dans un cycle de production plus électrifié, donc plus facile à décarboner, tout en évitant les émissions liées aux procédés traditionnels.

 

Levier 2 : Technologies de Rupture

Le deuxième levier, plus prometteur, consiste à introduire des technologies de rupture pour produire de l'acier décarboné. Ce processus implique de remplacer le coke et le charbon dans la réaction chimique de fabrication par de l'hydrogène, à condition que cet hydrogène soit produit de manière propre, nécessitant une grande quantité d'électricité décarbonée. Le Shift Project estime qu'il faudrait environ 13 térawattheures d'électricité pour produire les 4 millions de tonnes d'acier non recyclées en France, ce qui équivaut à la production annuelle de 3000 éoliennes moyennes ou de deux réacteurs nucléaires. En plus de l'acier décarboné, ce secteur est l'un des rares à pouvoir tirer parti des technologies de capture du CO2, étant donné que ses installations concentrent des émissions élevées sur un nombre restreint de sites.

 

Levier 3 : Sobriété et Réduction de la Demande

Le troisième levier, la sobriété, joue un rôle crucial en aval, c'est-à-dire dans les secteurs consommateurs d'acier. Le secteur de la construction, en particulier, devra réduire son usage du béton armé et favoriser les matériaux biosourcés ou géosourcés. De même, le secteur de la mobilité devra diminuer le nombre et le poids des véhicules. La sobriété pourrait ainsi réduire les émissions de ce secteur de 20 %, avec un potentiel d'ajustement à la hausse si les autres leviers sont moins efficaces.

 

Perspectives : Vers un Avenir Durable pour la Sidérurgie Française

Grâce à l'application de ces trois leviers, il est envisageable de planifier une réduction de 35 % des émissions d'ici 2030 et de 90 % d'ici 2050. Mais qu'en est-il de l'impact sur l'emploi ? Bien que le Shift Project n'ait pas détaillé les conséquences de ces transformations sur l'emploi, il est optimiste quant à l'idée que la sidérurgie française, en prenant les devants sur la décarbonation, pourrait devenir pionnière dans la production d'acier compatible avec les objectifs climatiques, ce qui pourrait compenser les effets des mesures de sobriété sur le marché national par une augmentation des exportations.

 

Sur cette note positive, nous quittons la fournaise de la sidérurgie avec l'espoir d'un avenir plus durable pour ce secteur vital.

 

La Cimenterie : Un Pilier de l'Industrie Lourde Face au Défi Carbone

Le béton, matériau de construction incontournable, repose en grande partie sur le ciment, plaçant ainsi la cimenterie comme un acteur clé de l'industrie lourde. Cependant, cette industrie est également une source importante d'émissions de CO2. En France, l'industrie cimentière génère environ 13,8 millions de tonnes de CO2 par an, ce qui représente près de 3 % des émissions nationales. Malgré les efforts passés et l'existence du système de crédits carbone européen, les avancées vers la décarbonisation ont été modestes. Aujourd'hui, avec l'entrée en vigueur de la norme de construction RE 2020, l'industrie cimentière se trouve à un tournant crucial, confrontée à la nécessité d'accélérer ses efforts pour répondre à des exigences environnementales de plus en plus strictes.

 

L'Impact de la Réglementation RE 2020

La réglementation RE 2020 impose des limites strictes sur la quantité de gaz à effet de serre émis par mètre carré construit, avec des seuils qui seront progressivement abaissés au cours de la prochaine décennie. Cette régulation agit directement sur la demande et pousse l'industrie cimentière à activer rapidement les trois leviers de décarbonisation : le progrès continu, les ruptures technologiques, et la sobriété.

 

Levier 1 : Progrès Continu

Le premier levier consiste à poursuivre l'amélioration des processus existants. L'industrie cimentière pourrait réduire environ 50 % de ses émissions en optimisant l'efficacité énergétique, en remplaçant les combustibles fossiles par de la biomasse pour chauffer les fours, et en ajustant les formulations de ciment pour diminuer la proportion des ingrédients les plus énergivores. Ces améliorations constituent une première étape significative vers la réduction de l'empreinte carbone du secteur.

 

Levier 2 : Ruptures Technologiques

La capture et le stockage du carbone (CSC) représentent la principale technologie de rupture envisagée pour la décarbonisation de la cimenterie. Toutefois, cette technologie est encore en phase de validation et doit prouver son efficacité à grande échelle. Par ailleurs, le Shift Project propose d'encourager une évolution des techniques de construction vers une mixité des matériaux. Par exemple, une structure en béton pour un logement a une empreinte carbone d'environ 200 kg par mètre carré, contre 145 kg par mètre carré pour une structure mixte bois-béton, et seulement 80 kg par mètre carré pour une structure entièrement en bois. Cette transition nécessite toutefois un renforcement de la filière bois en France et une régulation des exportations de ce matériau stratégique.

 

Levier 3 : Sobriété

Le troisième levier, la sobriété, vise à réduire l'utilisation du béton tout en maintenant les performances des constructions. Cela passe par une optimisation de la conception des bâtiments et par une réduction du nombre de logements neufs pour aligner le secteur du logement avec les objectifs de décarbonisation. La sobriété dans l'usage du ciment et du béton pourrait ainsi contribuer de manière significative à la réduction des émissions du secteur.

 

Perspectives pour l'Emploi

Les perspectives en matière d'emploi dans le secteur cimentier sont complexes. D'une part, une diminution des volumes de production est attendue, ce qui pourrait entraîner des pertes d'emplois. Toutefois, cette baisse pourrait être partiellement compensée par une sophistication accrue des produits, augmentant ainsi leur valeur ajoutée. Pour atténuer les impacts négatifs sur l'emploi, il sera nécessaire de réorienter une partie de la main-d'œuvre vers la production de matériaux biosourcés et géosourcés, des secteurs qui devront recruter massivement pour soutenir cette transition.


La Chimie : Un Secteur à Deux Visages et des Défis Carbone Majeurs

1. Chimie Lourde et Chimie Fine : Deux Facettes d'un Même Secteur

L'industrie chimique se divise en deux grandes catégories : la chimie lourde et la chimie fine. La chimie lourde, bien que moins présente en France aujourd'hui, produit des substances de base essentielles comme la soude, le chlore, l'acide et les monomères. Malgré sa moindre présence, elle demeure la plus émettrice de gaz à effet de serre, représentant environ deux tiers des émissions du secteur. À l'opposé, la chimie fine, plus spécialisée, produit une large gamme de produits finis tels que les polymères, les pesticides, les arômes et les médicaments.

 

2. Progrès Continu : Une Réduction Crédible des Émissions

Depuis 1990, la filière chimique a réalisé des avancées significatives, notamment en améliorant son efficacité énergétique à un rythme de 3 % par an et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre comme le protoxyde d'azote. En plus de ces progrès, l'industrie chimique a su s'adapter pour limiter les émissions de gaz fluorés, qui endommagent la couche d'ozone, et de soufre, responsable des pluies acides. Une feuille de route convenue entre France Chimie et l'État prévoit de réduire d'un quart les émissions de la filière d'ici 2030, en s'appuyant sur des solutions déjà éprouvées, telles que l'utilisation de combustibles moins émetteurs, la récupération de la chaleur perdue, et la réduction des émissions de protoxyde d'azote.

 

3. Technologies de Rupture : Vers une Décarbonation Plus Profonde

Toutefois, pour atteindre des objectifs de décarbonation plus ambitieux, le secteur devra compter sur des technologies de rupture. Parmi les solutions envisagées figurent l'électrolyse de l'eau pour produire de l'hydrogène, la capture et le stockage du carbone, particulièrement adaptés à la chimie des engrais, et l'électrification des procédés thermiques via des pompes à chaleur ou la recompression des vapeurs. L'hydrogène, en particulier, est crucial pour cette transition. Cependant, sa production décarbonée est limitée par notre capacité à générer de l'électricité supplémentaire, ce qui nécessite des arbitrages stratégiques entre différents secteurs d'utilisation.

 

4. Sobriété : Réduire la Demande pour Mieux Recycler

La sobriété est un levier essentiel, surtout en ce qui concerne la gestion des plastiques. Les progrès technologiques seuls ne suffiront pas, et il sera nécessaire de légiférer pour réduire la demande en emballages et encourager le recyclage, en particulier pour diminuer l'utilisation de résine vierge issue du pétrole. Des exemples réussis, comme en Belgique, montrent la voie à suivre pour améliorer nos pratiques en matière de recyclage.

 

La Sobriété et les Conditions de la Rupture Technologique

La Sobriété : Une Question d'Évolution des Usages

La sobriété est un concept central dans la transition vers une économie décarbonée, mais son succès dépendra de l'évolution des usages. La véritable question n'est pas seulement de bonne volonté ou d'intentions générales, mais de rendre possible cette transition par des actions concrètes. Ce n'est pas simplement une question d'investissement massif, car les fonds peuvent toujours être trouvés si les conditions de rentabilité sont acceptables. L'enjeu est de créer un marché où le prix des produits décarbonés est accepté par les consommateurs, en trouvant un compromis entre la qualité de l'offre, l'usage et le prix.

 

Les Trois Conditions Nécessaires à la Transition

Pour rendre cette rupture possible, trois grandes conditions doivent être réunies :

 

  • Énergie décarbonée et stable : Tout d'abord, il est impératif de disposer d'une source d'énergie, principalement électrique, qui soit la plus décarbonée possible, fiable, non intermittente et à un prix stable. La stabilité des prix est cruciale car elle permet aux industries de planifier et d'investir dans de nouveaux processus sans risque majeur de fluctuation des coûts énergétiques.


  • Protection aux frontières : Ensuite, il est essentiel d'envisager des mesures de protection aux frontières pour éviter que les industries nationales ne soient désavantagées par rapport à des concurrents étrangers qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes environnementales. Un mécanisme de type "Carbon Border Adjustment Mechanism" (CBAM) de l'Union européenne, qui taxe les importations en fonction de leur empreinte carbone, est un exemple de ce qui peut être mis en place pour garantir une concurrence équitable.


  • Normes et réglementation : Enfin, au-delà des taxes, des normes strictes sont nécessaires pour inciter les industries à adopter des pratiques décarbonées. Des réglementations comme la RE 2020 pour le secteur du bâtiment, qui impose des limites strictes sur les émissions de CO2 par mètre carré construit, montrent la voie. De telles normes pourraient être étendues à d'autres secteurs, comme l'industrie automobile, en imposant par exemple la publication des émissions de CO2 non seulement par kilomètre parcouru, mais aussi lors de la production des véhicules.


3. L'Importance de la Stabilité des Règles

Les industriels ont besoin de règles du jeu claires et stables. Une fois ces règles définies, il est crucial de ne pas les changer fréquemment pour permettre aux entreprises de s'adapter et de planifier à long terme. Bien que les industriels puissent initialement s'opposer à de nouvelles réglementations, une fois celles-ci en place, ils s'adaptent et innovent pour répondre aux nouvelles exigences.

 

4. Impact sur l'Emploi dans le Secteur de la Chimie

En termes d'emploi, il ne devrait pas y avoir de changements majeurs pour la chimie dans son ensemble, à l'exception du secteur des plastiques. Les travailleurs de ce secteur devront être réorientés vers les filières du recyclage, qui nécessiteront des compétences et une main-d'œuvre spécialisée pour répondre à une demande croissante en matériaux recyclés.

 

Bilan : Les Trois Secteurs Clés et la Stratégie de Décarbonisation

À travers l'examen des secteurs de l'acier, du béton, et de la chimie, il apparaît clairement que le plan du Shift Project repose sur une stratégie combinée, visant à maximiser l'utilisation des leviers de progrès continu et de rupture technologique. Cependant, la sobriété se révèle être un élément indispensable à cette stratégie pour deux raisons majeures :

Réduction immédiate des émissions : La sobriété permet de réduire les émissions de manière immédiate, sans attendre les avancées technologiques.

 

Garde-fou contre les incertitudes technologiques : Elle sert également de filet de sécurité en cas de retard ou d'échec des technologies promises, garantissant ainsi que les objectifs de décarbonisation ne soient pas compromis.

 

Les jalons de cette décarbonisation pour l'industrie lourde sont clairement définis : une réduction de 30 % des émissions d'ici 2030 et de 80 % d'ici 2050. Ces objectifs ambitieux nécessiteront une mise en œuvre rigoureuse des stratégies définies, avec une surveillance continue pour s'assurer que les progrès technologiques et les efforts de sobriété se déroulent comme prévu.

 

La Place de la Sobriété dans la Décarbonisation de l'Industrie

Comment le Shift Project a-t-il évalué l'importance de la sobriété, c'est-à-dire la réduction de la consommation ("faire moins"), par rapport à l'optimisation des processus ("faire autrement") pour atteindre la décarbonisation de l'industrie ?

 

L'analyse du Shift Project a permis de dégager un ordre de grandeur qui montre que l'industrie peut être décarbonée à 80 % d'ici 2050 en combinant trois leviers principaux :

 

Progrès continu :

Environ 40 % de la décarbonisation peut être obtenue grâce à des améliorations continues des processus industriels eux-mêmes, au-delà de la simple logistique. Cela inclut l'efficacité énergétique, l'optimisation des procédés de production, et l'amélioration des technologies existantes.

 

Ruptures technologiques et comportementales :

Un autre 40 % de la décarbonisation repose sur des ruptures, qu'elles soient technologiques ou comportementales. Par exemple, augmenter le taux de recyclage en France de 20 % à 80-90 % ne représente pas seulement une innovation technique, mais aussi un changement profond des habitudes de consommation et de gestion des déchets. Cette transformation nécessite une rupture comportementale significative, qualifiée ici de "rupture", même si elle ne relève pas directement de la technologie.

 

Sobriété :

Les 20 % restants reposent sur la sobriété, une approche qui consiste à réduire la demande et à modérer l'utilisation des ressources. Cette sobriété a été quantifiée secteur par secteur, et les résultats montrent une convergence autour de ce ratio, que ce soit pour la chimie, le ciment, le béton ou l'acier. Quel que soit le secteur, il apparaît que la décarbonisation ne peut être réalisée sans intégrer un certain degré de sobriété.

 

Les Défis Sectoriels et les Potentiels de Rupture

Bien que ce modèle soit globalement applicable, il existe des différences entre les secteurs en termes de potentiel de rupture technologique :

 

Sidérurgie : Dans ce secteur, il existe un potentiel optimiste pour une décarbonisation importante, notamment grâce au recyclage de l'acier et à l'utilisation de l'hydrogène pour produire de l'acier neuf, notamment pour les tôles automobiles. Si les conditions sont réunies, la transition vers une filière hydrogène pourrait permettre une décarbonisation très significative.

 

Ciment : Le secteur du ciment pose des défis plus complexes, principalement en raison des émissions de processus. Contrairement à l'acier, il n'existe pas de solution miracle comme l'hydrogène. La capture et le stockage du carbone sont des options possibles, mais elles sont compliquées à mettre en œuvre en raison de la diversité des configurations industrielles.

 

Plastiques : Même en maximisant le recyclage mécanique et en introduisant des techniques de recyclage chimique, la décarbonisation complète du secteur des plastiques reste difficile. Les émissions de CO2 associées à la production de plastiques varient entre 2 et 4 kilos par tonne, en fonction du type de plastique, ce qui complique davantage la transition.

 

Conclusion Générale

La transition vers une industrie verte est un impératif auquel la France ne peut échapper si elle souhaite allier compétitivité économique et respect des engagements climatiques. Les secteurs clés de la sidérurgie, de la cimenterie et de la chimie offrent des perspectives de décarbonisation ambitieuses, mais ces efforts doivent être soutenus par une stratégie globale qui combine progrès continu, ruptures technologiques et sobriété. Si les défis sont nombreux, les opportunités le sont tout autant. En prenant les devants dans cette transition, l'industrie française peut non seulement réduire son empreinte carbone, mais aussi renforcer sa résilience et sa compétitivité sur la scène mondiale. C'est en réinventant ces modèles que la France pourra construire une industrie durable, capable de répondre aux enjeux du XXIe siècle tout en assurant un avenir prospère pour les générations à venir.


 

Vous êtes une TPE ou une PME à la recherche de solutions RSE personnalisées ? Contactez-nous dès aujourd'hui pour un accompagnement sur mesure, en distanciel ou en présentiel à Toulouse et dans toute la région Occitanie !


 

Sources :🔗 Liens - Pour aller plus loin :


A lire :


  • Le rapport :

    • Présentation : Le rapport "Décarboner l'industrie" publié par le Shift Project en janvier 2022 propose une feuille de route détaillée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs industriels français. Le document examine les principaux leviers de décarbonisation, tels que le progrès continu des processus industriels, les ruptures technologiques, et la sobriété. Il s'intéresse particulièrement à trois secteurs clés : la sidérurgie, la cimenterie et la chimie, en détaillant les défis et les opportunités spécifiques à chacun.

      Le rapport souligne l'importance d'une stratégie intégrée qui allie innovation technologique et réduction de la consommation pour atteindre les objectifs de décarbonisation d'ici 2050. Il sert de guide pour les décideurs politiques, les industriels, et les parties prenantes, en leur offrant des recommandations concrètes pour transformer l'industrie française en une industrie verte et durable.

    • Lien vers la synthèse du rapport : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2022/01/PTEF-Decarboner-lindustrie-SYNTHESE.pdf

    • Lien vers le rapport : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2022/01/PTEF-Decarboner-lindustrie_-Rapport-final.pdf


  • Le livre : Le plan de transformation de l'économie française de The Shift Project - ISBN 978-2-7381-5426-2


A regarder :


  • La vidéo de présentation du rapport :




 

 

Comments

Rated 0 out of 5 stars.
No ratings yet

Add a rating
bottom of page