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FINETHIQUE
Conseil & stratégie en RSE

Numérique responsable : la prochaine bombe à retardement écologique


Le numérique nous promet un avenir dématérialisé et propre, mais si cette promesse cachait en réalité une bombe à retardement écologique ?

 

Une Révolution Technologique, mais à Quel Prix ?

Lorsque l'on parle d'écologie, le secteur du numérique ne vient pas immédiatement à l'esprit. Pourtant, il s'agit d'un secteur dont l'impact carbone est en constante progression. Dans l'imaginaire collectif, le numérique est souvent perçu comme une solution écologique : plus besoin de papier pour envoyer un courrier, de boutique physique pour vendre des produits, ou de déplacements pour se rendre à une réunion. Cette dématérialisation semble offrir une promesse de croissance infinie, un progrès technologique qui, en optimisant tout, permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de faire du numérique un allié de l'environnement.


Les technologies de l'information, souvent regroupées sous l'appellation "IT for Green", sont mises en avant pour leur capacité à optimiser les processus dans d'autres industries, réduisant ainsi leur empreinte écologique. Mais cette image idyllique correspond-elle vraiment à la réalité ?


Le Shift Project, un think tank français, s'est penché sur cette question dans son rapport "Lean ICT" publié fin 2018, suivi de deux autres rapports en 2019 et 2020. Leurs conclusions sont sans appel : la vision d'un numérique écologiquement neutre, voire bénéfique, est largement remise en question. Loin d’être une solution magique, le numérique est en réalité un contributeur important à l'empreinte carbone mondiale.

Dans cet article, nous allons explorer quelques constats et conclusions clés de ces rapports, en examinant les impacts réels du numérique sur notre planète et en discutant des pratiques à adopter pour rendre ce secteur plus durable.

 

Le numérique responsable : un enjeu écologique croissant

§1 - Un impact environnemental comparable à celui de l’aviation civile

Il est désormais bien établi que le secteur du numérique joue un rôle significatif dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Actuellement, le numérique représente environ 4 % des émissions mondiales de GES, un chiffre comparable à celui de l'aviation civile, avec des estimations variant entre 2 % et 6 % selon les méthodes de calcul. Plus préoccupant encore, cette empreinte carbone est en croissance rapide, augmentant d'environ 9 % par an. Si cette tendance se poursuit, le secteur numérique pourrait représenter à lui seul 7,6 % des émissions mondiales de GES d'ici 2025, ce qui soulève des inquiétudes dans un contexte où la réduction de la consommation d'énergie et des ressources naturelles est devenue impérative.

 

§2 - Une intensité énergétique en augmentation constante

L'intensité énergétique du numérique, c'est-à-dire la quantité d'énergie nécessaire pour produire une unité de valeur économique, augmente également à un rythme alarmant. En 2018, la consommation d'énergie associée à chaque euro de valeur créée dans le secteur numérique était supérieure de 37 % à ce qu'elle était en 2010. Cela va à l'encontre de la tendance observée dans d'autres industries, où l'efficacité énergétique tend à s'améliorer avec le temps.

 

§3 - Des émissions de CO2 en hausse malgré des tendances globales à la baisse

Depuis 2013, les émissions de CO2 liées au numérique ont augmenté d'environ 450 millions de tonnes dans les pays de l'OCDE, tandis que les émissions globales y ont diminué de 250 mégatonnes équivalent CO2. Cette divergence souligne l'importance de mieux comprendre les impacts spécifiques du numérique, notamment l'électricité nécessaire pour alimenter les terminaux, mais surtout les émissions beaucoup plus importantes associées à la phase de fabrication des équipements.

 

§4 - La fabrication des équipements : une source majeure d'émissions

Pour un smartphone, par exemple, environ 90 % des émissions de GES auxquelles il est associé proviennent de sa fabrication. La production de ces appareils nécessite une consommation massive de matières premières, y compris des métaux rares critiques, tels que l'indium pour les écrans, le lithium et le cobalt pour les batteries, ainsi que l'or, le platine et d'autres métaux comme le gallium, le tantale et le germanium. Les réserves de ces métaux, accessibles avec les technologies actuelles, sont limitées, et leur recyclage est complexe, voire impossible, en raison de leur intégration dans des alliages complexes et souvent en quantités minimes.

 

§5 - Des tensions croissantes sur l’approvisionnement en matières premières

Le risque de tension sur l'approvisionnement de ces matières premières est également élevé, car une grande partie provient de régions spécifiques, comme la Chine, qui détient une position de quasi-monopole. De plus, ces métaux sont essentiels au développement d'autres technologies, notamment celles qui visent à réduire les émissions de carbone, ce qui pourrait accentuer la concurrence pour ces ressources.

 

§6 - Explosion du nombre de périphériques numériques

En plus de l'impact carbone lié à la fabrication des équipements numériques, il est important de noter l'explosion du nombre de ces appareils. Entre 2017 et 2020, environ 1,5 milliard de smartphones ont été produits, et cette augmentation est due en partie à l'équipement progressif des pays en développement, mais aussi à la tendance au renouvellement rapide dans les pays développés, où la durée de vie moyenne d'un smartphone est inférieure à deux ans. Par ailleurs, de nouveaux périphériques connectés apparaissent régulièrement, comme les bracelets et enceintes connectés, ainsi que des objets du quotidien tels que les réfrigérateurs, cafetières, thermostats, et même les ampoules et gourdes connectées. Il est prévu que le nombre de ces appareils dans les foyers des pays développés soit multiplié par cinq entre 2012 et 2022, passant d'environ 10 objets connectés à 50 pour un foyer de quatre personnes.

 

§7 - L'augmentation du volume de données échangées : un défi supplémentaire

La fabrication de ces équipements supplémentaires nécessite l'extraction de métaux et la production de gaz à effet de serre, et leur usage continu consomme de l'électricité. Leur gestion en fin de vie, marquée par une obsolescence souvent rapide, pose également des défis importants. En parallèle, le volume de données échangées continue d'augmenter à un rythme soutenu, avec une croissance de 25 % par an sur les réseaux et de 35 % dans les centres de données, principalement en raison des plateformes des géants du numérique (GAFAM) et de l'augmentation de la consommation de vidéos en ligne.

 

Un numérique à repenser pour un avenir durable

Bien que les infrastructures numériques soient optimisées pour l'efficacité énergétique, la croissance rapide de l'utilisation et du nombre de terminaux numériques continue de poser un défi majeur pour la réduction des émissions de GES. L'impact écologique du numérique, bien que moins visible que d'autres secteurs comme les transports ou l'alimentation, est néanmoins très préoccupant et nécessite une prise de conscience collective pour un usage plus responsable.

 

Les disparités dans l'usage du numérique : un regard sur les inégalités mondiales

§1 - Inégalités dans l’équipement et la consommation numérique

En 2018, les disparités dans l’usage du numérique à travers le monde sont frappantes. Par exemple, un Américain possède en moyenne dix périphériques numériques, tandis qu’un Indien n’en possède qu’un seul. De même, la consommation de données révèle un écart significatif : un Américain consomme en moyenne 140 gigaoctets de données par an, contre seulement 2 gigaoctets pour un Indien. Ces chiffres montrent que la surconsommation de numérique est principalement concentrée dans les pays développés.

 

§2 - Croissance rapide du numérique dans les pays en développement

Malgré ces écarts, le taux d’équipement en smartphones atteint aujourd’hui 80 % dans les pays en développement. Cependant, les infrastructures réseau y sont encore limitées, et de nombreux téléphones ne sont pas encore connectés à Internet. On s'attend donc à une croissance rapide du numérique dans ces régions au cours des prochaines années, avec plus de 2 milliards de nouveaux utilisateurs d’Internet mobile prévus d'ici 2025, ainsi qu'une explosion du nombre de smartphones. Cela indique un potentiel de croissance immense pour le secteur numérique, mais également un impact environnemental accru à venir.

 

§3 - Le numérique : une solution pour améliorer l'efficacité énergétique ?

Face à cet impact environnemental important, certains avancent que le numérique pourrait permettre d'améliorer l’efficacité dans d'autres secteurs grâce à des optimisations. Le rapport « Déployer la sobriété numérique » du Shift Project s'interroge sur la pertinence de l'utilisation de capteurs et de contrôleurs numériques pour optimiser la consommation électrique, notamment dans l'éclairage.

 

§4 - Optimisations numériques : un équilibre délicat

Ces optimisations sont considérées comme pertinentes si l'impact écologique des appareils ajoutés est inférieur aux économies d’énergie réalisées. Par exemple, les ampoules connectées permettent de gérer l'intensité de la lumière, de les programmer pour s'allumer ou s'éteindre à des moments précis, ou encore de les contrôler à distance. Toutefois, comme la majorité des ampoules actuelles, qu'elles soient connectées ou non, sont déjà des LED à faible consommation, il faudrait réaliser des économies significatives pour que ces technologies soient réellement avantageuses d'un point de vue énergétique.

 

§5 - Études de cas : pertinence des technologies Smart

Dans les scénarios étudiés par le Shift Project, l'introduction de couches « Smart » pour la gestion de l’éclairage dans les résidences particulières ne devient pertinente que si le nombre d'ampoules est considérablement augmenté, par exemple pour un usage récréatif avec des lampes multicolores et clignotantes. Cependant, dans ce cas, le système global consommerait en réalité plus d'énergie qu'auparavant, rendant l'optimisation contre-productive.

 

En revanche, pour des locaux professionnels, des bâtiments tertiaires ou pour l’éclairage public, le Shift Project recommande des études au cas par cas. Leurs propres analyses montrent souvent que l'installation de simples capteurs de présence ou de luminosité est suffisante pour améliorer la performance énergétique, sans qu’il soit nécessaire d'ajouter une couche « Smart » sophistiquée. Par exemple, la gestion de la luminosité via un périphérique externe peut s’avérer peu pertinente sur le plan énergétique dans ces contextes.

 

Réduire l'impact écologique du numérique : les bonnes pratiques à adopter

 

§1 - Sobriété numérique : une solution pour tous les secteurs

Comme dans tous les autres secteurs, la sobriété est la clé pour réduire l'impact écologique du numérique. Cela signifie consommer moins de numérique, en particulier moins d'équipements. Le rapport « Lean ICT » du Shift Project propose plusieurs stratégies à destination des entreprises pour y parvenir. Par exemple, prolonger la durée de vie d’un ordinateur de 3 à 5 ans permettrait de réduire de 37 % les émissions de gaz à effet de serre associées à ce parc informatique. De même, en augmentant la durée d’utilisation des smartphones de 2 ans et demi à 3 ans et demi, les émissions liées à ces appareils pourraient être réduites de 26 %.

 

§2 - Bonnes pratiques pour les organisations

Le Shift Project recommande également aux entreprises d’adopter des pratiques simples mais efficaces, telles que l’utilisation de téléphones avec deux cartes SIM. Cela permet de combiner l’usage professionnel et personnel sur un même appareil, réduisant ainsi le nombre d'équipements nécessaires.

 

Il est crucial pour les organisations de mettre en place des mesures et des métriques compréhensibles et acceptées par tous, afin d’identifier les leviers d’action pertinents et de prendre des décisions éclairées. Par exemple, afficher l’impact environnemental des écrans peut inciter les entreprises de publicité à en réduire la taille ou le nombre, contribuant ainsi à une diminution de l'empreinte écologique.

 

§3 - Approche systémique pour les systèmes d'information

Le rapport « Déployer la sobriété numérique » va encore plus loin en proposant aux entreprises des méthodes pour réduire l'impact environnemental des systèmes d'information. Cette approche systémique est comparée à la remise en forme d'une personne en surpoids : l’objectif est de traiter notre « obésité numérique ». Cela implique de revoir en profondeur la manière dont les systèmes d'information sont conçus, utilisés et maintenus.

 

§4 - Réduire l'impact numérique au quotidien : conseils pour les particuliers

Pour les particuliers, l’essentiel est également de limiter l’utilisation des appareils numériques et de les conserver le plus longtemps possible. Par exemple, renouveler son téléphone à chaque sortie de nouveaux modèles est une pratique à éviter. Il est également utile de restreindre les données transférées afin de limiter le besoin de nouvelles infrastructures, dont la production et la consommation ont un impact écologique non négligeable.

 

Opter pour des appareils peu énergivores est une autre bonne pratique. À cet égard, la règle est simple : un petit écran consomme moins. Cela nécessite de réfléchir à nos besoins réels au quotidien et d’ajuster nos habitudes en conséquence. L'appareil le plus écologique est celui que nous possédons déjà. L'objectif n'est pas tant de réduire notre consommation de données, mais plutôt de freiner l'augmentation de cette consommation.

 

§5 - L'impact des usages numériques sur l'environnement

Le Shift Project souligne également que le numérique est profondément intégré dans nos vies à travers un ensemble d’usages et d’habitudes. Par exemple, la communication par image et vidéo est aujourd’hui largement répandue, au détriment du texte, ce qui alourdit l’empreinte écologique. De plus, les designs addictifs, comme l'enchaînement automatique des vidéos sur les réseaux sociaux, incitent à une consommation accrue de numérique, augmentant ainsi son impact environnemental.

 

§6 - Vers une sobriété numérique : un impératif pour l'avenir

Il est essentiel de se rappeler que le numérique n’est pas immatériel. L’économie numérique repose sur des terminaux dont la fabrication est particulièrement polluante, leur utilisation consommatrice d’énergie, et leur recyclage complexe. Le numérique étant omniprésent dans nos sociétés et nos économies, il pourrait poser des problèmes d’approvisionnement à l’avenir. Comme pour tous les secteurs industriels, nous devons adopter une approche de sobriété pour respecter les limites finies de notre planète.

 

Conclusion : Vers une Sobriété Numérique pour un Futur Durable


Le numérique, souvent célébré pour ses promesses de progrès et d'efficacité, révèle une réalité bien plus complexe lorsqu'on examine son impact environnemental. Loin d'être immatériel, ce secteur contribue de manière significative aux émissions de gaz à effet de serre et à l'épuisement des ressources naturelles. La croissance rapide des équipements numériques, couplée à une consommation énergétique croissante, pose des défis écologiques majeurs que nous ne pouvons plus ignorer.

 

Il est essentiel de repenser notre relation au numérique. Adopter une approche de sobriété numérique, tant au niveau des entreprises que des particuliers, est devenu un impératif. Prolonger la durée de vie des équipements, limiter la surconsommation de données, et favoriser des usages plus responsables sont autant de leviers à activer pour réduire l’empreinte carbone du numérique.

 

Cependant, cette transition ne pourra être réussie que si elle est soutenue par une prise de conscience collective et une volonté d’agir à tous les niveaux. Le numérique doit être intégré dans une vision globale de durabilité, où l’innovation technologique ne se fait pas au détriment de la planète.

 

En fin de compte, l'avenir du numérique réside dans notre capacité à équilibrer progrès technologique et respect des limites environnementales. La sobriété numérique n’est pas une contrainte, mais une nécessité pour garantir un avenir durable pour les générations à venir.


 

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Sources :🔗 Liens - Pour aller plus loin :


Pour apprendre :


  • La Fresque du Numérique :

    • Présentation : La Fresque du Numérique est un atelier collaboratif conçu pour sensibiliser aux impacts environnementaux du numérique. Il s'appuie sur un jeu de cartes permettant aux participants de comprendre ces enjeux de manière ludique et visuelle. L'atelier est organisé en plusieurs phases : compréhension, créativité, restitution, et action, permettant d'ouvrir le dialogue sur des solutions durables. Il est destiné aux entreprises et aux organisations publiques, avec une version bénévole disponible pour des contextes associatifs ou éducatifs.

    • Lien : https://www.fresquedunumerique.org/


  • MOOC Numérique Responsable de l'INR :

    • Présentation : Le MOOC proposé par l'Académie du Numérique Responsable, créé par l'Institut du Numérique Responsable (INR), sensibilise aux enjeux environnementaux, éthiques et inclusifs du numérique. Il propose un parcours en plusieurs modules, abordant des thèmes comme l'impact environnemental du numérique et les actions concrètes pour adopter des pratiques responsables. Le programme complet dure 4h30 et est accessible gratuitement, incluant vidéos, textes et activités interactives.

    • Lien : https://www.academie-nr.org/


A lire :



  • Le rapport "Lean ICT - Pour une sobriété numérique" :

    • Présentation : Le rapport « Lean ICT - Pour une sobriété numérique » du Shift Project, publié en 2018, analyse l'impact environnemental du secteur numérique en pleine expansion. Il met en lumière la croissance rapide de la consommation énergétique du numérique et son empreinte carbone, souvent sous-estimée. Le rapport propose des solutions pour réduire cette empreinte en adoptant une approche de sobriété numérique. Il souligne la nécessité de repenser nos usages numériques pour aligner le développement technologique avec les impératifs écologiques.

    • Lien vers le rapport : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2018/11/Rapport-final-v8-WEB.pdf


  • Le livre : Le plan de transformation de l'économie française de The Shift Project - ISBN 978-2-7381-5426-2


A regarder :


  • La vidéo de présentation du rapport "déployer la sobriété numérique" :




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